Sophie Rechtman avait 8 ans en septembre 1942 quand elle est
cachée chez les Crassart, à Uccle. Au
début, elle voit ses parents de temps en temps. Ils sont cachés dans la même
rue mais les risques deviennent trop importants et les visites s’espacent. Elle
ne connaît pas du tout les Crassart. « Ils m’ont recueilli au péril de
leur vie. Ils ont aussi payé un lourd tribu aux Allemands : leur fils
résistant a été torturé et envoyé en captivité. Il n’est jamais revenu. Ils ont
été adorables avec moi. » Malgré tout, pendant deux ans, elle
vit dans la crainte permanente d’être dénoncée ou découverte. Elle est terrorisée
à l’idée de se retrouver à la rue. Elle se souvient avoir pleuré toutes les
nuits. « J’étais séparée de mes parents. Maman a été déportée en 1943.
La dernière fois que je l’ai vue c’était dans un tram. Papa a été envoyé à
Auschwitz. »
« Pendant deux
ans, jusqu’à la libération, j’étais Simone Legrand. » Elle a dû
« oublier » toute son éducation et sa vie de petite fille juive. « Je
me disais que quand la guerre serait finie et que je retrouverais mes parents
tout redeviendrait comme avant. » A la libération, seul son père
revient des camps. « En fait, rien n’est redevenu comme avant. Un papa
qui passe plusieurs mois dans les camps n’en revient pas indemne. Ce n’était
plus le même homme. Pendant longtemps, il a fait des cauchemars toutes les
nuits. » Pour Sophie Rechtman, c’est une période douloureuse. Il lui
faut se réhabituer à une vie nouvelle et apprivoiser ses traumatismes.
Après la guerre, elle revoit souvent les Crassart. « Bien sûr ! Ils ont fait partie de ma
vie dès 1942 et ne l’ont plus jamais quittée. Ils étaient présents à chaque
événement important de ma vie, à mon mariage, lors des fêtes de famille. Ils
m’ont sauvée. Ca crée des liens qui ne se défont jamais. »
Soixante trois ans après la libération, Sophie Rechtman est réconciliée
avec la vie mais elle garde en mémoire ces moments difficiles. « Il faut transmettre ce message aux jeunes
d’aujourd’hui. Cette reconnaissance des Justes de Belgique est importante dans
cette optique là. Je suis contente qu’on rende hommage à ces gens. Ce qu’ils
ont fait c’est une belle leçon de civisme et de patriotisme. »
Bruno Van Dam